Extraits de "Mon Prochain est un Arbre"


Je
Rongée sur un banc
La page, belle arme au poing
Tous, d’ombre abîmés
Tirons au sort
Notre malheur


Née de la dernière pluie
Ou sur les roses
L’enfance est une tenaille
L’ennui, une bête sauvage
J’essuie d’un revers de manche
Les baisers


Nous sommes corsaires
Du même penchant
A sombrer
Je ne saisis
De ma peau retournée
Que la parole des fonds
Où le monde est nôtre
Enfin noyé !


Je nourris une lumière
Entre les branches basses
Ne m’ôte pas
De la mousse animale
De la fleur muette
Le vin tremble à la clarté des lampes
Toute chose a une chair
Qui bouge


Quand la veille est immense
La pensée muette
Quand il n’est plus besoin de refuge
Tu as l’humus et la brume
Du matin pour visage
Et ton regard tourné
Vers la chambre où l’enfance te rêve


Je ne vais plus
Aux chutes tordre le linge
Je n’habille plus les tempêtes
ne couvre plus les puits
Il me reste
Non la beauté du vide, mais le vide
Que laisse toute beauté


J’élève une demeure
Ma peau s’épuise
A suer des miracles

Des hommes noirs me visitent
Je glisse corrompue et vraie, entre leurs épaules
L’air me frôle
A peine je crois


Maintenant je m’éveille
Me cogne à l’angle des murs le visage
Brutalité de ma nature
Il  faut modeler avec l’eau, la douce eau
Le masque
Fermer le visage
Née d’une érosion
Mangée par la chair
Le fruit de mon incarnation
Est acide
Sous ma peau, les couteaux tremblent



Nerfs écrasés par les poings
De l’après-jour
Le ciel a cassé, l’outre se vide
L’horizon limace
Je lèche un possible amour
Le visage s’amenuise
Au lieu du vent
On regarde brûler vif
Un songe